Je viens faire ma petite montée de lait du mois à la suite d’un incident où un mec sur le Site du zéro m’a appelée « bro » et qui trouvait ça bizarre que je fasse tout un plat sur le fait qu’on me dise « mec » ou « miss ». J’en suis donc à me demander si je suis la seule geekette à tenir à ce qu’on l’appelle « miss » ?
Je fais donc ce billet pour essayer d’éclaircir ça.
Il n’y a pas que des mecs chez les geeks !
Oui, je sais, on est très peu de filles sur les sites de geeks, mais ce n’est pas pour autant qu’on doit agir comme s’il n’y en avait pas ! Bien qu’il y ait des filles qui touchent au graphisme, il y en a aussi qui touchent au PHP, aux langages de programmation, voire à l’administration d’un serveur Linux !
Or, le souci, c’est que nous les filles avons du mal à faire notre place, en particulier dans le monde Open Source, où nous devons faire deux fois plus d’efforts (quitte à avoir un burn-out) pour nous prouver !
C’est ce sentiment d’invisibilité féminine qui m’irrite tant !
On ne peut comprendre que si on l’a déjà vécu
En tant que fille, il m’est moi-même arrivée des cas de figure où soit on me confondait avec un gars ou bien que je confondais une fille avec un gars à cause d’un élément ambigu.
Maintenant, j’en viens au cas qui m’a le plus marquée, et je suis sur que la geekette concernée qui fait partie de ceux et celles qui me suivent va se reconnaître : Lorsque je m’étais inscrite sur Gimp-Attitude, l’administratrice avait un avatar qui était plutot ambigu et dont le pseudo, malgré qu’elle trouvait que ça sonnait féminin, était pour moi « neutre ». Résultat, j’ai été plusieurs mois à penser que c’était un gars ! …et ce malgré la réponse « les gars ET les filles » à mon « Merci les gars » et le féminin dans les verbes à la première personne du singulier.
Pour mieux comprendre, voilà le bout de sujet en question où c’était arrivé.
Et juste en passant, je n’ai découvert que cette année la preuve qui rendait ma confusion plausible : un mec sur Bépo.fr porte le même pseudo !
Mis a part cette confusion, combien de fois ça m’était arrivée que du monde m’ait confondue avec un mec pendant que j’étais modo sur le support anglais de Forumactif ? Je n’ai pas compté, mais ça m’est arrivée plusieurs fois ! Idem sur le Site du Zéro où, malgré mon pingouin rose, on me remerciait comme si j’étais un gars !
Cela devient lourd qu’on pense que sur un site de geeks, il est peu probable qu’on tombe sur une fille et donc, qu’on fasse fi des indices laissant deviner la féminité du membre ! Donc à partir de cette semaine, j’indique « geekette » dans ma signature ! Comme ça, plus d’ambiguïté !
La confusion des genres est due clairement à plusieurs choses confondues.
La première est la « désexualisation » de l’identité sur le web. Le lecteur ou le participant n’a que très rarement le genre de l’interlocuteur sur le message. Je ne sais pas comment ça se passe au Québec, mais en France, bien qu’on sache lire en grande majorité, ça ne se fait pas forcément sans faute et dans l’écrit, c’est encore pire. Alors comme les fora (en particulier) ne changent que rarement leur design en fonction du sexe du locuteur, ça peut encore porter plus loin la confusion.
L’autre chose est dans la nature de la langue française.
Pour parler du général ou de l’impersonnel, on parle au masculin. Et là, on retrouve la tendance à masculiniser de prime abord, au moins chez les francophones.
Du côté anglais, il n’y a pas réellement de façon de féminiser le discours quand on parle de soi. Ce n’est qu’à la troisième personne qu’on commence à voir apparaître une différenciation entre « his » et « her », « he » et « she ».
Mais tout cela ne donne pas la raison de la différence entre logiciels privateurs et logiciels libres dans les chiffres de la présence féminine. 20% chez les privateurs et maximum 6% chez les libres.
Ce ne sont pas pourtant les diverses associations de femmes dans le libre qui manquent.
Les actions et les problèmes sont assez bien connus. Mais il est loin d’être acquis qu’il soit attirant de participer à un projet libre pour une femme. Non seulement, ce témoignage nous apprend qu’il est difficile de se faire reconnaître en tant que femme dans une communauté virtuelle, même avec une autre femme, mais surtout qu’il est plutôt difficile aussi de s’y faire respecter.
J’avais lu quelque part que seules les plus fortes et les plus teigneuses avaient l’esprit suffisamment combatif pour pouvoir donner un ou deux coups de genoux bien placés à ceux qui en ont peur.
Si on veut qu’il y ait plus de femmes dans le libre, à nous de savoir retrouver une politesse et un savoir vivre qui serait à même de nous faire comprendre que nous ne sommes pas tous des geeks, quel que soit notre genre.
On est pas des bêtes !
Comme l’a dit lolo, on a tendance a masculiniser le langage, et l’expression « Cool Story Bro » n’aurait plus le même effet que si on l’adaptait à une fille.
Au final je ne vois aucune raison sur la toile a différencier une fille d’un mec, les deux doivent être traités au même pieds d’égalité. Quand tu t’inscris sur un site/forum les gens te jugent par tes interventions et non pas parce que tu es une fille ou un mec, et tout le monde y gagne ainsi. Après ça fera plaisir de savoir que une fille se demerde pas mal, mais il ne faudrait surtout pas que la démarche contraire soit faite, en disant « c’est un fille, je vais y aller molo avec ». Si j’étais une fille je trouverai ça insultant que l’on ne me traite pas pareil que la communauté parce que je suis une fille, en gros ça voudrais dire que une fille c’est forcément trop faible, trop fragile, etc. Pourtant ce n’est pas toujours le cas.
Il est clair qu’il n’y a pas à différencier dans le traitement de fond les hommes des femmes sur le net.
Par contre, il serait clairement intéressant de policer les attitudes non seulement pour ne pas faire fuir les femmes, mais surtout pour attirer plus de personnes qui ne soient pas de prime abord intéressé par la philosophie du libre.
Ce gros manque de savoir vivre dans les fora est une des raisons majeures de la défection du grand public face aux fora et aux diverses communautés. Le consommateur n’est pas prêt à se faire insulter de noob, d’idiot ou juste se faire bousculer par le fait qu’il n’est pas considéré comme quelqu’un d’important. La légende du client-roi est encore bien ancrée dans le comportement des personnes qui ne font pas parti d’une communauté créative.
Pour celui qui fait parti d’une telle communauté créative ou plus encore pour celui qui a fait parti de la création ou de la monté en puissance d’une communauté, il est difficile de penser à autre chose qu’à la partie créative de la communauté. Nous avons affaire à des personnes pressées et concentrées sur leur tâches. Hélas, la communication dans une communauté (depuis une association, jusqu’à une multinationale) est tout aussi essentielle que l’action de faire. Elle informe toutes les parties prenantes de l’action pour les coordonner.
Donc, ne pas prendre en compte toutes les parties de sa communauté avec toutes les différences qui la compose peut être considéré parfois comme un affront, voir une insulte (ce qui rejoint assez bien le comportement de n’importe qui qu’on dérange dans une action qui demande de la concentration).
En conclusion, si on veut intégrer plus de personnes et surtout plus de filles, il serait intéressant de créer des postes de communicants et de médiateurs dans les communautés. On a déjà certains postes de ce type avec les trieurs de bug dans des projets utilisant un bugtracker, des parrains chez wikipédia ou tout autres accueillants ou interface entre les différents étages de l’échelle de Bayart, pour ne parler que d’Internet.
Reste la difficulté majeure de ne pas être trop « corporate » ou trop « politiquement correct » pour ne pas tuer non plus l’ambiance plus ou moins humoristique qui fait l’identité de la communauté.